#01 – Nathalie Nabintu

Ce n’est pas sans se confronter aux résistances dans un Congo où l’école et l’université en particulier réduisent leur rôle au strict minimum et où les femmes sont en général resigné, intimidé et doutent de leur capacité,ont peur d’affronter leurs problèmes, ne connaissent pas tous leurs droits que Nathalie a osé agir.

Les filles et les garçons réunis au sein de la ligue créent des pièces de théâtre, poèmes, chanson, peignent les tableaux pour promouvoir la paix, l’égalité homme et femme et dénoncer les injustices et oppressions faites aux femmes.

Développer leur vision, leur ambition et être là pour les autres sont les facteurs qui attirent les filles qui s’engagent au sein de la ligue.

La création de la ligue des filles pour la promotion de la paix, une paix au-delà de l’absence de guerre…

« Je venais juste d’intégrer l’université en 2016 quand j’ai eu l’idée de créer la ligue pour les jeunes filles.  Un jour, j’ai parlé au responsable académique de la raison d’être de la ligue et de mon intention d’organiser les activités culturelles au sein de l’université. La ligue pour éduquer sur la paix et contre les violences et discriminations. Il n’a pas accepté ma demande. Il a argumenté que les étudiants étaient là pour suivre les cours et obtenir leur diplôme, qu’aucun mouvement ou association n’allait se substituait à l’université pour éduquer. Il anticipait que la ligue allait détourner les étudiants de leurs objectifs, que c’était une distraction et peut être un facteur perturbant qui n’avait pas sa place au sein de l’université.

« On a l’impression qu’il faut que la femme prouve, qu’elle donne et se donne littéralement pour mériter quelque chose qu’elle mérite déjà » Nabintu 

J’ai même été menacé de retrait de ma bourse d’études si je continuais d’insister. C’était une menace que j’avais intérêt à prendre au sérieux étant donné que mes parents étaient soulagés que j’avais cette bourse, qu’ils n’avaient pas à s’occuper des paiements des frais. Il me fallait garder ma bourse. Après ce refus j’ai réfléchi à une alternative et finalement je décide d’essayer de la créer au sein de mon église, où je suis chantre dans la chorale. L’idée était de mobiliser les filles après les cultes, mais j’ai eu des blocages similaires : les gens viennent à l’église pour prier et rien d’autre. Malgré ces échecs, je continuais à réfléchir à des solutions.

Un jour, j’étais à la maison, j’ai pris un crayon et un papier et j’ai composé une pièce théâtrale. Ma stratégie était d’organiser un groupe pour pouvoir interpréter cette pièce le jour de l’investiture des représentants des étudiants. Je suis allé solliciter le représentant des étudiants nouvellement élu pour le convaincre d’insérer la pièce dans la cérémonie d’investiture, mais il n’a pas voulu, il a pensé que j’allais lui voler la vedette, lui voler sa journée.

L’année s’est terminée, mais moi je n’allais pas lâcher l’affaire. J’ai trouvé un autre moyen d’essayer, je n’allais pas commencer par les autorités, je devais me reposer sur les ainées. J’ai ciblé trois filles qui étaient en L2, je leur ai dit « j’ai besoin de vous, j’aimerais faire un événement au tour de la danse ». Ensuite, j’ai mobilisé deux autres filles et deux garçons de ma classe, je leur ai dit « j’organise un événement, c’est une surprise, est-ce que vous pouvez danser » ? Ils m’ont suivi, j’ai mobilisé aussi quelques personnes extérieures à l’université. J’ai ensuite sollicité un danseur professionnel, il était d’accord de préparer la chorégraphie et de préparer le spectacle. C’est une femme qui a gagné les élections, elle était la représentante des étudiants, je lui fais l’offre d’organiser un spectacle au tour de la fille à l’université avec tous les clichés sur la fille universitaire et comment elle est perçue par ses collègues et par les autorités et comment la corruption et le harcèlement rentrent dans la danse quand il s’agit de la reconnaissance de réussite des filles. Elle était d’accord. Et m’a donné un espace de deux heures pour la prestation (la pièce de théâtre, la chanson et la danse), il fallait faire bon usage de ce temps. La prestation a plu, j’étais fière, les artistes étaient contents et les autorités universitaires surpris et intéressés par le contenu et la forme.

« La femme doit être prise pour ce qu’elle est et pas pour ce qu’elle a » Nabintu

Le responsable académique a cherché à rencontrer la personne à l’initiative de ces activités, il voulait que le groupe se représente lors des collations de grade académique, mais uniquement avec les étudiants. ’était une surprise pour moi, autant ma stratégie était pour l’appâter, mais je n’avais jamais imaginé que ça irait aussi vite, c’était au-delà de mes espérances. Il me fallait donc mobiliser des collègues étudiantes et étudiants. Très vite, je me suis confronté à des blocages, c’était difficile de convaincre les filles. Les garçons se sont vite engagés pour la dance et la chanson. Le groupe se met en place quand même, avec pour l’idée de trouver de l’inspiration dans la vie courante, la vie de l’université plus particulièrement. Et au courant de l’année il y a eu des hauts et des bas, du désengagement, les étudiants voulaient être payés pour les prestations, ils voyaient ça comme mon business. J’ai abandonné, je me suis dit : « ils ont raison, je suis ici pour étudier après tout ». Les autorités ont constaté que le mouvement s’est affaibli, ils m’ont encouragé à ne pas abandonner.

En 2018, je décide donc de reprendre la mobilisation. Je sollicite cette fois-ci majoritairement les filles, ce n’était pas facile, mais j’ai pu réunir un effectif important. Une dizaine. Je leur ai demandé de proposer le nom et la manière dont nous allons fonctionner. C’est comme ça que le nom a été créé et la structure, nous décidâmes donc de créer 4 départements :

  1. Culture : musique, théâtre, danse, slam, etc.
  2. Sociale : travaux pour l’intérêt général, solidarité avec la société et les femmes
  3. Conférence
  4. Entrepreneuriat : apprendre aux filles qui n’ont pas les moyens d’aller à l’université pour leur apprendre la culture

Nous continuons à mener les activités au sein de notre université et en dehors, je rêve que la ligue va être quelque chose de grand au service des femmes. Je compte m’y consacrer entièrement à la fin de mes études, et de le rendre autonome, indépendant de l’université. Les filles adhèrent à cette vision. La lutte de l’égalité homme-femme ne vient que de commencer dans notre pays. Je voyagerai même dans le fond du pays pour que la fille trouve ce qu’elle a en elle et qu’elle l’exprime par la danse et la chanson.

J’irai jusqu’au bout pour que la femme congolaise ne reste pas dans la soumission qui la réduit en esclave, pour que le peuple congolais comprenne que la femme n’est pas que mère, qu’elle est aussi créatrice, entrepreneuse et actrice de sa vie et du changement de la société.


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